CGG et la bombe suite

23 décembre 2018

Posted by François LEVY


Suite à l’article (clic ici) CGG et la bombe, récits de Jean Benoit  et François Lévy concernant la participation de notre compagnie aux essais nucléaires dans le Pacifique, nous avons reçu quelques souvenirs émanant d’autres  prospecteurs qui ont été mêlés à cette aventure .


Albert Cassin a écrit:

Bonjour François,

Quand un collègue évoque des souvenirs, j’aime bien, ils ravivent les miens qui avec l’âge ont  tendance à s’estomper

Ton  texte comporte pour moi  quelques mots clés.

Oui, moi aussi j’ai roulé en 4 Chevaux Renault, la mienne était verte, à l’époque on ne choisissait pas la couleur, j’affirme maintenant qu’une voiture verte est plus écologique qu’une autre.

Mon service militaire années 50  incorporé caserne Fontenoy à Paris maintenant le palais de l’Unesco a pris sa place je vais faire mes classes à Saint Sulpice La Pointe dans le Tarn logement dans des baraques métalliques Fillod (Fernand) c’est l’hiver ma grand-mère m’a tricoté un gros pull avec des torsades et le soir dans un moment de liberté nous visitons les fermes proches pour quelques victuailles  avec du lait pour certains, je fais partie de ceux qui optent pour le vin (un superbe Gaillac) et au retour vin chaud sur l’unique petit poêle placé au centre de la baraque, incursion sur internet, les baraques existent toujours.

 1972,

 je suis en mission Pérou, Jacques Gauzere à Lima et moi avec jean Claude Poirier  à  Juliaca à deux pas du lac Titicaca sur l’Altiplano, 3800 mètres d’altitude, beau temps et pour le patron Gilbert Royer  ce sont  des vacances au soleil, effectivement  Françoise m’a rejoint pour un voyage éclair Cuzco, Matchu-Pitcchu. Lors de notre bref séjour à Cuzco, coup de fil de Jacques Gauzere: Gilbert Royer veut que tu rejoignes en direct une mission Inde, j’assure que la communication est vraiment très mauvaise, accord de Jacques,  contact impossible et c’est le retour en France.

 Massy, pas de reproches mais juste le temps des visas et je suis en Inde, une mission longue durée je prends la suite, Charpail, Armand et j’en arrive  au mot qui justifie ce chapitre Catalina, l’outil de travail est un Catalina Super Canso fourni par notre filiale canadienne

Geoterrex,  à l’origine c’est un hydravion prévu pour la chasse aux sous-marins et  le secours des équipages perdus en mer, bien entendu à CGG on a modifié, des trous partout, impossible de le poser sur l’eau  de plus on l’a équipé pour les mesures magnétiques , stingueur en queue de l’appareil , spectrométrie, là pas de problème mais aussi électromagnétisme, et là c’est l’horreur on émet un signal dans une boucle conductrice à l’extérieur  elle passe du nez de l’appareil, le bout des ailes pour rejoindre  la queue et pour récupérer quelque information on traîne un oiseau comme en mag. Avec 100 mètres de câble, beaucoup de pays interdiraient de vol cette étrange machine qui semble issue des ateliers du professeur Tournesol  mais  là on est en Inde et on travaille pour le gouvernement, J’ajoute que l’altitude de vol  est de 600 mètres  barométriques, quand il y a turbulence ou un peu de relief on perd l’oiseau qui préfère s’installer dans un arbre plutôt que de continuer le voyage. La sécurité est assurée à bord par la présence de deux pilotes. Jamais d’incidents de vol, merci  les pilotes. (vitesse de travail choisie par eux en fonction de la météo, 165 à 190 kilomètres heures, en transit, oiseau rentré près de 300k/mh).

Maintenant je vais évoquer mes rencontres avec la DAM, direction des applications militaires du CEA

1962, rencontre ratée,

 C’est mon mariage avec Françoise le 14 avril à Saint Galmier, je quémande quelques jours de congés, note du service du personnel , mon ami Bérard  (je l’ai eu comme chef de mission au Sénégal) me félicite mais me rappelle que je dois rejoindre le Sahara prochainement pour des mesures de champ magnétique avec un magnétomètre à protons, il m’accorde deux jours  et suivant les circonstances peut être un troisième c’est un peu juste mais  miracle la mission est pour le CEA,  CGG a oublié qu’il me faut une habilitation avec des délais conséquents et je peux prolonger mes congés en toute quiétude, je ne participerai pas à l’essai souterrain  du 1er mai 1962 à In Ecker,  au nord de Tamanrasset.  Accident  Beryl, contamination très radioactive d’une partie du personnel présent. Ouf en plus des congés prolongés j’ai eu de la chance.

1974, janvier,

Mission Mururoa, Fangataufa  magnétisme structural pour voir si les atolls ne sont pas trop  fracturés,  cette fois j’ai mon habilitation depuis longtemps voyage avec Christian Dupeyrou qui va m’installer le 

banc de mesure sur place, l’Alouette III est fournie par l’Aéronavale. Voyage avion COTAM, départ du Bour

get,  deux escales Ottawa, Los-Angeles puis Papeete à Tahiti ; A Los Angeles en escale technique nous obtenons l’autorisation de flâner dans l’aéroport en signant un papier sans le lire, nous avons promis de ne pas assassiner le président des Etats-Unis. A l’arrivée à Papeete, quelques jours d’attente, pas de place pour rejoindre Muru   le CEA nous prête une Citroën Méhari  pour nous faire patienter avec un conseil faites le tour de l’ile, Dupeyrou adore conduire, je deviens un vrai touriste, visite du musée Gauguin, dont la particularité principale est de ne posséder aucune toile de l’artiste, le climat ne permettrais  pas leur conservation, visite de sites archéologiques.

1974, mars- avril,

 Toujours avec Dupeyrou, Ernest Bardagot nous accompagne, un collègue du département interprétation, une compensation pour les nombreuses études qu’il mène sans jamais sortir de son bureau. Même avion COTAM, départ de ROISSY cette fois, à l’arrivée à Papeete nous filons sur l’Atoll  de Hao officiellement nous cherchons de l’eau, l’atoll  étant habité, fermons les yeux, il ne peut être question d’envisager autre chose, ensuite, c’est le retour à Muru pour de nombreux profils dont un aller retour Muru- Fanga.

Des anecdotes sur les deux missions je n’en manque pas, j’en choisis deux:

La première

Lors du premier séjour, en fin de matinée après quatre heures de vol nous rejoignons  le point Zoé, l’équipe au sol nous attend , l’opération principale consiste en la récupération du magnétomètre au bout de son élingue, deux ’’robustus’’ de la marine équipés en martiens : casque, genoux et coudes protégés par des manchons en mousse doivent choper l’oiseau à un moment où il est tout près du sol  guidés par le capitaine en charge de l’opération, tout se passe bien, pour nous  il est prévu que l’hélico rejoigne l’aéroport , le pilote reprend un peu d’altitude tout en effectuant un virage à gauche mais au moment de prendre le cap la machine continue sa rotation un tour complet tout doucement d’abord , mais le mouvement s’accélère le pilote me dit problème, on se pose, par chance l’équipe au sol  à compris et dégagé le terrain descente rapide pour un placage au sol un peu brutal mais sans dégâts  les silentblocs ont étés sollicités, le rotor de queue s’est bloqué tout s’est passé si  vite qu’on n’a pas eu le temps de s’inquiéter. Décision est prise je monte dans l’Alouette II d’assistance avec ma bande magnétique, elle  reviendra avec le mécanicien en charge de la maintenance. Sur la base l’incident est jugé suffisamment sérieux pour qu’un contrôle soit effectué sur toutes les Alouettes III présentes sur Muru, pour la nôtre pas de vol le lendemain, révision complète. Un détail encore l’Alouette II d’assistance est sous contrôle de l’armée de terre, et n’ayant pas le droit de traverser le lagon  doit survoler les motus.

 Gerstner le géologue CEA  m’invite avec Dupeyrou à un pique-nique grillade dans un coin retiré de la base vie, dénommé ‘’ Vallée de Chevreuse’’, j’y retrouve des CEA de Gif  qui effectuent dans les iles  leur séjour réglementaire. Un bar discret sur place évite un fastidieux transport de bouteilles.

La seconde

  A Papeete, accord avec les douaniers  qui m’ont déjà vu passer, admission temporaire du matériel  simplifiée, je m’engage, chaque caisse entrée repartira dans les mêmes conditions. Tète de linotte, j’ai oublié un détail, l’une d’elles, 40 kilos contient ou plutôt contenait des bandes magnétiques et du papier pour les enregistreurs analogiques Texas hélico et station sol, j’ai grignoté allègrement le papier et Gerstner le géologue CEA  m’a  piqué les bandes magnétiques au fur et à mesure pour les expédier en urgence sur Paris, j’ai  une caisse pratiquement vide, je rejoins les pilotes qui nous sont affectés au foyer hélico, ( il y a bien quelques installations techniques sur Muru mais aussi beaucoup de lieux de convivialité, j’ai pas dit bistrots).  Comment remplir une caisse sur un atoll et surtout la peser, j’évoque mon problème mais ils sont en grande conversation avec une dame  qui me semble un peu âgée, tenue stricte mais pas de grade apparent, elle a tout écouté et me regarde un instant en disant voyez mon infirmier, ben oui dans une infirmerie il y a toujours un pèse personne, je suis sauvé, merci.

Pour le remplissage, finalement  j’ai une idée, sur l’atoll de Hao, en bord de plage j’ai récupéré un bloc de corail issus de travaux d’aménagements côtiers ils sont destinés à être broyés pour réparer la route c’est un superbe « cerveau de Neptune », j’ai bien envie de le garder et justement il rentre  dans la caisse pour un poids équivalent à celui des  bandes,  ce n’est pas trop légal, ma brève hésitation  déclenche les rires de mon entourage et je ferme le couvercle. Lors du passage à Papeete les douaniers n’auront pas un regard pour mes caisses.

La dame, on me donne son nom, Valérie André, elle est ici chez elle en tournée d’inspection, médecin, pilote d’hélico, elle est une légende, elle doit avoir le grade de colonel, elle sera nommée général en 1981. Elle est la veuve du pionnier des hélicoptères de l’armée de l’air, le colonel Alexis Santini (1914-1997), qui lui a appris à piloter un hélicoptère en Indochine, et la tante par alliance de l’homme politique André Santini.

Les collègues cités dans le texte  nous ont tous quittés, plus que des collègues au cours du temps ils étaient devenus des amis. Une mention particulière pour Michel  Armand,  4 ans d’internat ensemble à l’ENP  Etienne Mimard de Saint-Etienne, nous avions l’habitude de dire que nous étions cousins.

Bien amicalement

Albert.


Guy Andronik a écrit:

De : Guy Andronik
Envoyé le :dimanche 8 juillet 2018 18:57
À : F LEVY

Objet :Re: Mururoa

Porto Sant’Elpidio ( Italie) le 8.07.2018

Bonsoir 

Ma période militaire ( engagé volontaire) va de mai 1966 à mai 1969. Je n’étais pas sur un bateau mais j’appartenais à la 115°compagnie de marche du génie de l’air ( CMGA)   qui était chargée de l’entretien des pistes et chantiers militaires .

J’ai donc participé à toutes les  missions  de réparations après les essais nucléaires (tirs), Mururoa, Fangataufa,  j’ai aussi travaillait sur l’atoll d’Hao, principale base logistique du CEA, et aux archipels des Gambiers où nous avions construit une piste.

J’ai assisté aux 4 tirs effectués sur Fangataufa dont la bombe H qui devait exploser le 14 juillet 1968, mais à cause du climat en métropole en mai 68, le tir a été repoussé au 24 août  1968 (Tir Canopus).  Bien sur , durant les tirs nous étions tous embarqués sur des bateaux militaires (je me souviens du porte-avion Clemenceau)  placés à distance de sécurité. Mais ces tirs sont restés gravés à jamais dans ma mémoire, c’était impressionnant et effroyable à la foi ( quand on pense aux bombes d’Hiroshima et Nagasaki toutes minuscules si comparées à notre bombe H) .

Quand je pense que l’État Français  nous a envoyé  réparer la piste de Fangataufa 2,5 mois après l’explosion de la bombe H ?  Un vrai scandale ! Du bataillon qui a réparé la piste de Fangataufa de novembre 68, jusqu’en janvier 69 ( dont j’ai fais parti) un grand nombre sont morts du cancer dans l’oubli le plus absolu  ! Pour ma part  jusqu’à ce jour  la chance semble encore me suivre  !

Amitiés.

 Guy Andronik

De : F LEVY
Envoyé le :lundi 9 juillet 2018 09:14
À : Guy Andronik
Cc : Gérard Gadaud
Objet :RE: Mururoa

Bonjour Guy

Je vois que nous avons fréquenté les mêmes endroits certains magnifiques d’autres ravagés à tout jamais par l’inconscience de nos dirigeants et nous sommes surement croisés à un moment ou un autre.

Je me souviens d’un certain dimanche à Mururoa (juin ou juillet 1967) ou il y avait un grand match de foot inter armée qui rassemblait tous les militaires de Muru sauf moi car la station la plus à l’est (Faucon) était en panne. Je demande une Alouette II (Armée de l’air) et avec le pilote nous partons réparer. Sur le retour le pilote me dit on va voir où en est le match. Il fait un stationnaire au-dessus du terrain de foot et descend tout doucement pour mieux voir les joueurs. Ce que nous n’avions pas prévu est qu’à une certaine altitude le souffle des pales est arrivé sur le stade que l’on a vu disparaître dans un nuage de sable corallien.

Retour précipité sur la base, pas très fiers de nous en attendant les félicitations des gradés. Tout le monde en a parlé pendant longtemps.

Une autre fois en rentrant d’une station Toran on aperçoit un requin blanc de 2 m environ, dans le lagon. Le pilote se met en auto-rotations à sa verticale ce qui effraie le bestiau qui part à fond devant lui et se retrouve au sec sur la plage. On se pose à côté de lui, on lui file quelques coups de barre de fer et le pilote dit on devrait le ramener à miss Planche. Il y avait seulement 3 femmes qui étaient sur l’atoll et qui ne passaient pas inaperçues, Miss Planche, la jeune blonde, était chargée de l’écologie et nous avait demandé de ramener tout être vivant dans son labo sur la Rance pour étudier les effets de la radioactivité.

Donc on lui met une corde autour de la queue et on l’amène en sling sous l’hélico jusqu’au pont de la Rance où il est largué. On a eu les félicitations du jury !!! Mais cela a amusé tout le monde sauf la miss Planche qui nous regardait de travers ensuite. Ce n’était pas grave, nous n’avions aucune chance vue la cour de hauts gradés qui tournaient autour.



GERARD Gadaud a écrit:

Envoyé : mardi 4 août 2009 18:43
À : Francois Levy
Objet : Re: site Internet

Bonjour François

Je viens de rentrer de quelques jours de congés et c’est une coïncidence de recevoir ton mail

Je  n’avais pas lu ton document (félicitations) sur Bornéo et je ne connaissais pas ton aventure en Polynésie qui ajoute un plus à prendre contact. Nous aurions pu nous croiser là bas. Guy Andronyk, un ancien avec qui j’étais sur les atolls et que j’ai retrouvé récemment grâce au site, a fait un bout de sa carrière à CGG avant de passer chez Total.

Jean Marie Bach avec qui je travaillais ces dernière années et qui vient de partir en retraite l’an dernier, a lui aussi fait un séjour dans la marine en Polynésie; il était sur le TCD Ouragan

J’ai emprunté un Catalina lors du retour d’une perm à Tahiti. Nous avons amerri dans le lagon en face des Gambier avec un moteur en panne!

Note de François Lévy : Les Catalina comme les autres avions militaires n’avaient pas de séparation entre le poste de pilotage et les passagers et on entendait tous leurs commentaires ce qui n’était pas toujours rassurants. Durant un vol, par 2 fois, le copilote et/ou mécano est monté sur un escabeau au milieu de l’allée centrale avec un tournevis, une clé à molette et un marteau ,on n’apercevait que ses jambes, et il s’est mis à bricoler sur les moteurs en criant au pilote « et comme cela c’est mieux? »  Après quelques ratés de moteur tout est redevenu normal.

L’amerrissage était spectaculaire car on avait l’impression de disparaître sous l’eau complètement le corps de l’avion étant très bas sous les ailes, puis les moteurs s’arrêtaient et oh miracle! nous flottions. Ils ouvraient la porte latérale qui se trouvait au ras de l’eau et on n’avait plus qu’à embarquer sur un petit bateau gonflable qui était à bord.

Gérard Gadaud qui a fait son service militaire sur l’atoll de Totégie avant d’entrer à CGG en 1972 a rassemblé les souvenirs de cette époque sur son site :

http://cep-polynesie.gadger.eu/?Historique



Yves Mignard

a effectué une mission CGG marine à Mururoa du 15 novembre 1975 au 28 avril 1974

Le chef de mission était Alain Fourrier et il y avait également Gérard Pernod et Jean Delhom dans cette mission. Yves a retrouvé dans ses archives le rapport mission qu’il nous a envoyé et que nous remercions ainsi que quelques photos ci-jointes.

Note de François Lévy : J’ai été content, à la lecture du rapport ci-dessous, d’apprendre que la chaîne Toran que nous avions vendue et mise en place pour le CEA a servi au positionnement de cette mission 6 ans après .

Mission 603 11 93 Mururoa rapport